Publ. dans le cadre du projet Picasso-Méditerranée 2017-2019, initié par la Musée national Picasso-Paris

Bibliogr., 3 p.

Le thème du Minotaure apparaît en 1928 dans l'œuvre de Picasso sous la forme d'un collage intitulé Minotaure courant. C'est un personnage de diversion qui semble tiré de quelque spectacle d'arène populaire, un gnome contrefait avec une tête de taureau juchée sur une paire de jambes interminables, une espèce de curiosité anatomique que l'on croirait plus volontiers sortie de l'Enfer de Bosch que de celui de Dante. Ce coureur furtif, surgi de nulle part et qui semble traverser l'esprit d'un des plus grands créateurs du XXe siècle en prenant littéralement les jambes à son cou, n'appartient pas encore à un cycle narratif précis. Avec son allure de pantin désarticulé, il rappelle le souvenir millénaire de l'effigie dont on frappait les anciennes monnaies de Crète, au temps du légendaire roi Minos. Au début des années 1930, ce personnage de fiction se débarrasse de ses traits archaïques et devient l'hôte familier du répertoire picassien. Il s'invite à l'atelier, semble partager l'existence quotidienne du maître et sa passion secrète pour la jeune Marie-Thérèse Walter. Il se prête à tous les jeux de masques et de rôles que le peintre imagine. Il laisse Picasso se prendre à son propre jeu jusqu'à se confondre avec lui. Il renouvèle ainsi le dialogue que les artistes, et les poètes dramatiques avaient engagé, et n'avaient cessé d'entretenir, avec les protagonistes de la légende crétoise depuis la redécouverte, au milieu du 18e siècle, d'une fresque de l'antique cité d'Herculanum montrant Thésée vainqueur du Minotaure. éditeur